Vingt-cinq millions pour Bluefactory

Un coup de pouce de 25 millions de francs. C’est le montant que le Grand Conseil fribourgeois a accepté hier, par 71 voix contre 24 (3 abstentions), d’accorder au quartier d’innovation Bluefactory afin d’assurer son développement pour les huit prochaines années. En tout, les besoins s’élèvent à 50 millions de francs, à savoir un apport de nouveaux fonds à hauteur de 40 millions de francs et une conversion d’anciens prêts, pour 10 millions de francs, en capital-actions.

Propriétaires à parts égales de Bluefactory Fribourg-Freiburg SA (BFF SA), la société qui exploite le site, le canton et la ville de Fribourg prendront chacun en charge la moitié de la facture, à savoir 25 millions, pour autant que le Conseil général de Fribourg y consente également. Il se prononcera le 22 février prochain. Tout cet argent permettra notamment la construction des bâtiments B et B+ et la rénovation du bâtiment A et du Silo (pour 22,8 millions de francs) ainsi que le financement d’infrastructures telles que l’aménagement extérieur ou l’alimentation thermique et électrique (16,4 millions). Mais c’est peu dire que le retard dans la renaissance de l’ancienne brasserie du Cardinal agace une partie des élus. «On nous promettait une mini-EPFL à la fribourgeoise qui serait synonyme d’emplois à haute valeur ajoutée et de richesse.

Dix ans plus tard, nous nous retrouvons avec une friche industrielle ressemblant davantage à la Reitschule de Berne et accueillant à bras ouverts des collectifs d’extrême gauche comme Extinction Rébellion, ceci avec la bénédiction tant du Conseil d’Etat que du conseil d’administration de BFF SA. Vous comprendrez notre déception», gronde le démocrate du centre Nicolas Kolly (Essert).
Demande de renvoi

Il poursuit: «Nous nous sommes habitués à ce que Bluefactory devienne le gouffre financier du canton. Dans le monde d’avant, celui d’avant la crise, cela aurait pu prêter à sourire. Mais cela devient choquant et inadmissible dans la situation économique qui est la nôtre aujourd’hui.» Dénonçant la «gestion désastreuse de Bluefactory depuis son lancement», l’UDC a même demandé de renvoyer purement et simplement le projet dans le but d’évaluer d’autres options, notamment la dissolution de BFF SA. Cette requête a néanmoins été écartée par 72 voix contre 25 (2 abstentions). Ce qui ne veut pas encore dire que le parlement est aligné derrière les propositions du Conseil d’Etat. En effet, plusieurs visions s’opposent. Le socialiste Elias Moussa (Fribourg) insiste: «Dans une récente interview, Jacques Boschung, président de BFF SA, assure que Bluefactory sera bientôt rentable.

Très bien. Mais ce n’est pas la première fois que cette promesse est faite. Il est donc difficile d’y croire.» Il ajoute: «Mais surtout, cela traduit une méconnaissance crasse des attentes de la population fribourgeoise. Ce qu’elle veut, ce ne sont pas des slogans marketing ou un projet immobilier sans âme.

Ce qu’elle veut, c’est la concrétisation d’un quartier vivant, bouillonnant d’activités socioculturelles, permettant l’implantation de coopératives d’habitation, accueillant des entreprises innovantes et favorisant l’émergence de projets liés au développement durable.» Tandis qu’aux yeux du conseiller d’Etat Olivier Curty, Bluefactory est, aujourd’hui plus que jamais, un enjeu majeur pour le développement économique du canton de Fribourg. Il souligne: «Nous ne sommes ni Lausanne ni Zurich. Nous avons besoin d’un centre fort pour augmenter notre attractivité et faire venir des entreprises de pointe. Il faut donc un signal fort, sans équivoque. Un signal qui montre que Fribourg est à la hauteur de ses ambitions, que nous ne laisserons pas à d’autres l’opportunité de développer cette magnifique parcelle au cœur de notre capitale. Faisons confiance à nos entreprises et à nos instituts financiers qui n’attendent que notre feu vert pour commencer les travaux.» Le ministre de l’Economie a été entendu. Pour Bluefactory, le débat d’hier sonnait néanmoins comme un coup de semonce montrant l’impatience grandissante du monde politique.