Interview: «ll faut courir vite pour me rattraper»

L’ancien vice-chancelier de l’Etat de Fribourg défend son bilan à la tête de la Direction de l’économie et de l’emploi (DEE).

Beaucoup de vos adversaires vous voient comme la proie la plus facile parmi les conseillers d’Etat sortants. Que leur répondez-vous?
Olivier Curty: Qu’il faut courir vite pour me rattraper.

Mais la dernière année n’a pas été facile. Vous avez été effacé sur le dossier énergétique, et le résultat serré lors de la votation sur Bluefactory en juin sonnait comme un coup de semonce…
J’ai trouvé le dossier de Bluefactory dans un mauvais état. Il a fallu énormément de temps pour le remettre sur les rails durant toute la législature. Aujourd’hui, le dossier est très solide et transparent. J’ai fait ce qu’il fallait faire avec Bluefactory qui peut faire rayonner le canton avec ses autres parcs d’innovation. C’est très important pour faire progresser la création d’emplois.

Avez-vous vraiment réussi à retirer votre costume de haut fonctionnaire pour enfiler celui de magistrat? Certains en doutent encore…
Avec la crise du Covid, nous avons montré énormément de leadership, que ce soit au niveau de ma direction ou du Conseil d’Etat. Par ailleurs, durant la législature, j’ai pu faire passer quelques projets novateurs, en comparaison avec d’autres cantons: la loi sur l’énergie, au niveau de la promotion économique, de la politique foncière active. Enfin, j’amène une voix germanophone dans un canton qui reste largement francophone.

L’économie fribourgeoise a été durement touchée par la crise du Covid-19. Comment jugez vous son état aujourd’hui?
Les indicateurs sont au vert, voire au vert fluo. Je suis très confiant, même si la situation sur le terrain reste fragile suivant les secteurs. L’hôtellerie, la gastronomie, les agences de voyages, les loisirs ont un rattrapage à faire, et les entreprises doivent faire face à de nouveaux problèmes: renchérissement et pénurie de matériaux. Il est important de sortir de cette crise avec ce que nous en avons appris pour innover davantage. Il faut miser sur le transfert technologique et la collaboration avec les écoles spécialisées, mais aussi miser sur la formation professionnelle et continue. Nous avons connu une augmentation d’environ 2000 demandeurs d’emplois avec la crise, un chiffre qui peine à diminuer. Il y a une certaine inadéquation entre les profils de ces gens et les profils recherchés sur le marché.

La nouvelle loi sur le tourisme, acceptée par le Grand Conseil, sera-t-elle à même d’assurer la pérennité des remontées mécaniques du canton?
La pérennité des remontées mécaniques n’est pas menacée. Nous visons depuis des années une diversification, avec un tourisme quatre saisons. Nous avons déjà d’excellents résultats dans quelques stations. Le canton de Fribourg doit devenir un haut lieu du tourisme doux et offrir plus de lits. Il y a encore un potentiel énorme. La nouvelle loi donne davantage de flexibilité, de cohérence et de moyens.

Vous avez fait passer une nouvelle loi sur la promotion économique et fondé le nouvel Etablissement cantonal de promotion foncière. Quels fruits espérez-vous cueillir?
Les fruits sont déjà là partiellement. Les nouveaux outils mis en place provoquent déjà un effet, comme le cautionnement de prêts, qui fait beaucoup de bien. Avec la promotion foncière active, nous avons acheté des terrains à Romont et à Saint-Aubin, et nous les mettons à disposition des entreprises. Le site de la Maillarde, à Romont, est d’ores et déjà plein, et nous constatons un grand intérêt pour le site de Saint-Aubin dédié à l’agroalimentaire. Je connais peu d’autres cantons qui ont un outil aussi performant au niveau de la politique foncière active.

En 2019, vous avez sévi contre le travail au noir avec un nouvel arsenal législatif. Quel bilan tirez-vous aujourd’hui?
Il a fallu du temps pour mettre le système en place. Les inspecteurs sont maintenant formés et assermentés. Les résultats seront visibles dans les semaines et mois à venir.

Vous avez lancé des projets durant cette législature, et vous espérez maintenant en récolter les fruits. Est-ce que cela veut dire que vous souhaitez rester à la tête de la DEE en cas de réélection?
Il faut faire les choses les unes après les autres. Il y a d’abord les élections. La répartition des dicastères se fera entre les personnes élues ou réélues.

D’autres départements vous intéressent-ils?
Joker. »

TROIS THÈMES, TROIS RÉPONSES: «Le risque de black-out est réel»

Le canton de Fribourg peut-il se passer des éoliennes pour compenser la fermeture des centrales nucléaires?
Oui, c’est possible, mais il faudra remplacer l’énergie manquante par d’autres sources, renouvelables de préférence. Il faut trouver l’équilibre entre la consommation d’un côté et la production de l’électricité de l’autre côté, qu’on veut neutre en C02 et renouvelable. La question de l’approvisionnement est une question nationale. En tant que membre du comité de la Conférence des directeurs cantonaux de l’énergie, je suis directement impliqué dans les discussions et toutes les options sont actuellement examinées par les acteurs concernés. Le risque de black-out est bien réel.

Etes-vous favorable au maintien d’urgences hospitalières 24 h sur 24 dans les régions?
Je suis pour des portes d’entrée dans les régions ouvertes 24 h sur 24, mais on ne parle pas de pouvoir opérer à tout moment dans les régions, comme cela se faisait à Tavel à l’époque. Je suis plutôt pour des permanences ouvertes 24 h sur 24, qui puissent rediriger les patients vers le site principal de l’Hôpital fribourgeois ou vers d’autres établissements dans les cas plus graves.

Le passeport Covid est-il la seule solution pour sortir de la crise sanitaire?
Probablement oui, mais pas partout. Nous voulons offrir à la Haute Ecole spécialisée des tests groupés (pooling) comme dans les CO. Celui ou celle qui participe aux tests groupés hebdomadaires reçoit une attestation (non pas un pass Covid) qui lui permet de venir en cours durant une semaine. »

Article de La Liberté (15.10.2021)

Version PDF: 15.10.2021 – ll faut courir vite pour me rattraper