La crise va renforcer l`economie

Article de La Liberté

La crise va renforcer l’économie

Olivier Curty: «La pandémie va donner, je pense, un coup d’accélérateur à la numérisation de manière large.»

Tel un ouragan renversant tout sur son passage, la pandémie de Covid-19 provoque une crise économique sans précédent. Le canton de Fribourg tente tant bien que mal de colmater les brèches, Son action est-elle suffisante? La réponse du conseiller d’Etat Olivier Curty, responsable de la Direction de l’économie et de l’emploi (DEE).

Plombé par le coronavirus, le Groupe Saint-Paul doit restructurer ses centres d’impression. L’industrie est désormais touchée par la pandémie. Etes-vous inquiet pour ce secteur?

Jusqu’à présent, il est vrai que l’on n’a pas encore beaucoup parlé du secteur industriel. Il est souvent oublié. Mais ce n’est pas le cas à la Direction de l’économie et de l’emploi. Nous sommes en contact étroit avec les représentants du secteur industriel fribourgeois, qui représente un emploi sur quatre dans le canton. Il en ressort que la plupart des entreprises touchées par la crise ont subi une perte du chiffre d’affaires de l’ordre de 20% à 30%. C’est inquiétant. D’autant plus que les carnets de commandes peinent à se remplir. Il existe une grande incertitude par rapport au premier trimestre 2021.

Les indemnités pour réduction d’horaire de travail (RHT) sont elles réellement un instrument efficace pour ces entreprises?

Les RHT sont utiles, mais elles ne peuvent s’appliquer que pour une réduction ou une suspension temporaire des activités. Par ailleurs, elles engendrent des frais, puisque l’indemnisation n’est pas intégrale. Cet instrument est efficace tant qu’on pense pouvoir surmonter l’obstacle. Mais si ce n’est pas le cas, elles n’évitent pas les licenciements. J’ai ainsi une double crainte pour 2021. Soit la crise dure et il y aura des suppressions importantes de postes. Soit on assiste à une reprise très forte, mais les entreprises seront incapables de répondre à la demande.

Les carnets de commandes peinent à se remplir, vous l’avez dit. N’existe-t-il pas un moyen d’aider les entreprises à franchir ce cap?

Le plan de relance cantonal contient des éléments allant dans ce sens, notamment les mesures favoris a n t la recherche et le développement. Nous venons en outre de mettre en place un soutien Covid destiné aux entreprises. Par ailleurs, les crédits-relais alloués dès ce printemps aux sociétés fribourgeoises avoisinent le demi-milliard de francs. A ce jour, ces dernières ont perçu 210 millions de francs d’indemnités pour RHT et 60 millions de francs d’allocations pour perte de gain (APG).

Le canton déploie des aides pour l’économie, mais on a l’impression qu’il attend toujours les décisions de la Confédération avant d’agir.

Ce n’est pas vrai. Ce printemps, nous avions mis en place un système de crédits-relais avant la Confédération. Comme nous savions que celle-ci avait un projet en préparation, nous avons attendu qu’elle vienne avec des gros moyens. Fribourg est aussi le premier canton – et le seul à ma connaissance – à avoir prodigué une aide pour le tourisme et l’hôtellerie. Aujourd’hui, nous sommes déjà prêts pour les cas de rigueur, alors que Berne n’a encore rien décidé. Il faut bien voir que, dans cette crise, la DEE joue les pompiers. Les restrictions émises par les autorités fédérales comme cantonales reposent sur des critères exclusivement sanitaires. Nous, nous les subissons. Il n’existe pas encore d’approche concertée.

A propos des hôtels, ne faudrait-il pas une aide spéciale pour ceux qui sont situés dans les zones urbaines?

La question est justifiée. Le filet de sécurité a des mailles de plus en plus serrées. Les mesures de soutien deviennent très importantes, mais il y aura toujours des failles. Certains hôtels ont connu un très bel été 2020 et ces établissements peuvent bénéficier d’un appui pour payer les intérêts hypothécaires jusqu’à la fin de 2021. Seuls quelques établissements sont en difficulté. Ce dossier est sur la table, mais il ne faut pas oublier que ce secteur a déjà touché des aides urgentes, contrairement à d’autres comme l’industrie. Nous devons trouver un équilibre.

Fribourg aide les commerces via l’opération Kariyon. Mais est-ce vraiment eux qui ont le plus besoin de soutien?

La première aide à l’enseigne de Kariyon a été beaucoup appréciée. Nous avons prolongé cette opération pour marquer le coup. Cette mesure fonctionne bien et les retours que nous avons du terrain sont positifs. Il ne faut pas oublier que les montants investis ne sont pas si importants (six millions de francs au total, ndlr).

Le canton prévoit-il des aides supplémentaires pour les restaurants?

Nous avons déjà fait beaucoup pour eux, avec le soutien aux baux commerciaux ce printemps. Cet automne, nous apportons une contribution aux loyers et aüx intérêts hypothécaires qui devrait correspondre à la durée de leur fermeture; Nous compensons une partie des RHT pour les employés. Dans le plan de relance, trois millions de francs sont prévus pour eux lorsqu’ils pourront rouvrir. Enfin, concernant les cas de rigueur, nous luttons pour un assouplissement des conditions.

Quel sera l’impact du Covid-19 sur le tissu économique fribourgeois?

Il y aura un avant et un après Covid-19. Les entreprises doivent s’adapter aux conditions, la façon de travailler change. La pandémie va donner, je pense, un coup d’accélérateur à la numérisation de manière large. De nouveaux produits sont conçus, d’autres vont cesser d’être fabriqués. Il y a des secteurs particulièrement menacés, par exemple dans le domaine de l’aviation ou du tourisme. J’espère qu’ils ne vont pas disparaître. Il faudra réinventer des modèles d’affaires. Je suis sûr que l’économie fribourgeoise va sortir renforcée de cette crise, mais il y aura inévitablement des dégâts.

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