Un rôle dans un scénario variable

L’Etat confirme que les communes-sites ont un rôle déterminant pour la planification éolienne

La pale est désormais dans le camp des communes. A elles de décider de l’avenir des parcs éoliens potentiels planifiés par le canton et jusqu’ici promus par Groupe E Greenwatt. Mais jusqu’à quel point l’Etat est-il prêt à laisser la concrétisation de son plan directeur éolien entre les mains des législatifs communaux? Quels sont les enjeux? Réponses avec le conseiller d’Etat Olivier Curty, directeur de l’Economie, de l’emploi et, aussi, des énergies.

A-t-on un sérieux besoin des éoliennes?

Olivier Curty: L’enjeu, c’est la sécurité d’approvisionnement, une question nationale et pas seulement cantonale. Le manque croissant de productions indigènes d’électricité renouvelable en hiver est problématique. Les importations pour compenser ce manque ne sont plus sûres, car les pays alentour connaissent les mêmes difficultés. C’est là que les éoliennes ont un rôle à jouer: produire massivement du courant d’hiver renouvelable.

Un rôle de figurant? ou un rôle principal?

L’éolien est une variable de l’équation. Il y a aussi l’hydraulique, important mais limité. Nous appuyons fortement l’essor du photovoltaïque, qui est assez fulgurant: si on arrive à en produire davantage en hiver, par exemple, il faudra moins d’éolien. J’espère aussi que le turbinage entre Schiffenen et Morat jouera un rôle. Je pense encore à la biomasse (dont le bois) ou à la géothermie profonde. Le poids de ces variables, qui dépend aussi des progrès technologiques, est difficile à estimer et évolue. Mais à ce stade, aucune variable n’est prioritaire et l’éolien ne peut pas être exclu. Nous avançons pas à pas, comme dans toute stratégie.

Quel est désormais le rôle de l’Etat en matière d’éolien?

Le Conseil d’Etat avait l’obligation fédérale d’inscrire dans son Plan directeur cantonal les zones dotées d’un potentiel éolien, sur la base de critères établis – on ne les a pas inventés. Il l’a fait en toute transparence et le résultat de ce processus a été mis en consultation publique.

Nous avons expliqué la part de l’éolien défini comme prioritaire au niveau national, de même que les tenants et aboutissants de ce processus, lors de différentes présentations dans les communes ou à la presse. Le canton n’a plus vraiment de rôle à jouer, si ce n’est d’informer (lire ci-dessous). Comme nous l’avons toujours dit, l’étape actuelle se joue entre les communes et un développeur potentiel.

Pourquoi tout repose-t-il sur les communes-sites? Après tout, l’approvisionnement concerne tous les citoyens…

Au XXIe siècle, on ne peut clairement pas imposer un parc aux communes qui ne le souhaitent pas. D’autant plus que la réalisation passe par la modification du plan d’aménagement local, qui est de la compétence communale. C’est un incontournable et Greenwatt n’aurait rien pu faire seule. Ce que j’espère, c’est que lorsque les Conseils communaux auront trouvé leur rythme, ils s’intéresseront à cette problématique de la transition énergétique et mettront le débat sur l’éolien à l’agenda.

Le canton peut-il se contenter de votes de principe?

Le Plan directeur cantonal ne fait qu’identifier des périmètres éoliens à valider. Il ne garantit rien de la réalisation de ces parcs, encore moins un éventuel positionnement des machines à l’intérieur de ce périmètre, parfois vaste. Pour cela, il faudrait de nombreuses études in situ. A ce stade, on ne peut donc pas voter sur la base d’études et d’éléments précis, en effet. Mais un vote de principe reste possible. On pourrait d’ailleurs aboutir à un vote positif, faire les études et réaliser que le parc n’est pas faisable. Mais évidemment, si l’assemblée est défavorable, il n’y aura pas d’études. Raison pour laquelle Greenwatt a fait juste en laissant l’initiative aux communes.

Le canton est donc prêt à faire le deuil des parcs planifiés?

Il y a des fiches qui figurent depuis des décennies dans le Plan directeur cantonal et qui ne se sont jamais réalisées. L’Etat n’a pas à agir en promoteur et l’électricité reste un produit commercial. Mais je ne pars pas de l’idée que toutes les communes feront des votes consultatifs auprès de leur législatif et que tous diront non. Certains exécutifs communaux consulteront peut-être leur commission de l’énergie ou l’assemblée, mais seulement en vue de prendre un premier contact avec un développeur (pas forcément Greenwatt) et de dialoguer. Certaines vont peut-être renoncer, d’autres consulter sur la base d’un projet plus ou moins abouti, ou proposer des études. Tout reste très spéculatif.

Le canton peut-il renoncer à tous les parcs?

Nous avons calculé que 4 parcs suffiraient à atteindre l’objectif de notre stratégie énergétique de 160 GWh par an – un objectif largement en dessous de celui fixé au canton par la Confédération (250 à 600 GWh). Encore une fois, ce nombre de parcs doit être mis en relation avec l’évolution des autres sources d’énergie, de la technologie, de l’ouverture du marché, de la stratégie réseau, de la consommation.

Vous seriez donc prêt à revoir le volet éolien du Plan directeur cantonal…

Ce plan a été validé en 2020 par le Conseil fédéral, après avoir été scruté dans les moindres détails par les offices fédéraux concernés. Il est certes évolutif, mais il faudrait probablement l’introduction de nouvelles dispositions ou des justifications importantes pour qu’il soit remis en question si tôt.

Et la transition énergétique reste un impératif. Peut-on y parvenir sans l’éolien? Si ce n’est pas possible, quelle est l’alternative? Centrale à gaz, poursuite du nucléaire? La Suisse devra-t-elle revoir ses ambitions énergétiques et climatiques? Aujourd’hui, on ne peut pas trancher et cela dépasse la compétence d’un directeur cantonal de l’énergie. Mais je note que la crise de l’approvisionnement est le scénario de crise le plus probable, selon la Confédération. L’Office fédéral de la protection de la population mettra d’ailleurs sur pied vers la fin de l’année un exercice de black-out dans les cantons de Fribourg et de Neuchâtel.

Article de La Liberté (version pdf)