Nous savions que ce serait difficile (interview)

Pour le deuxième tour de l’élection au Conseil d’Etat, La Liberté a invité chaque candidat à aller manger dans un restaurant de son choix. Une rencontre pour parler politique, mais pas seulement.

Olivier Curty aurait pu choisir une adresse dans son district du Lac. Sauf qu’il l’avoue: depuis cinq ans qu’il est conseiller d’Etat, il n’est jamais rentré chez lui à midi. S’il n’a pas une obligation en lien avec sa fonction, il se contente généralement d’un en-cas à l’emporter. Pour cette rencontre, il a opté pour le Kumo, à la rue de Lausanne, un restaurant japonais.

«Ce lieu a été créé par Ben & Léo, deux personnalités fribourgeoises. Ils ont fait l’université avant de se tourner vers la gastronomie, et ils sont devenus des entrepreneurs à succès», déclare le directeur de l’Economie pour expliquer son choix. Mais l’Asie lui évoque également des souvenirs. Le Lacois a beaucoup voyagé sur ce continent. Il est allé une fois au Japon et a suivi un cours de langue durant deux mois en Chine. «C’était dans une vie antérieure», reconnaît-il. Il apprécie aussi cette cuisine et en ce moment, ça lui change des fondues – parfois jusqu’à deux par jour – servies dans les manifestations, campagne électorale oblige. Pour l’entrée, Olivier Curty propose ainsi de partager une assiette de gyoza, ces petits raviolis cuits à la vapeur. Puis, il opte pour un miso végétarien, accompagné d’un thé.

Un choix «douloureux»

Le conseiller d’Etat brigue donc un deuxième mandat. Au premier tour, il a sauvé les meubles au Centre, se glissant à la cinquième place, entre les socialistes Valérie Piller Carrard et Alizée Rey. Il ne s’étend pas sur ces résultats, si ce n’est pour dire que le retrait de Luana Menoud-Baldi a été «douloureux, très douloureux» et qu’il estime que son collègue de parti Jean-Pierre Siggen ne mérite pas sa 9e place. «Le Centre occupe trois sièges sur sept au Conseil d’Etat. Nous savions que nous serions mis sous pression de tous les côtés et que ce serait difficile. Mais nous y avons cru», commentet-il sobrement. Par contre, il voit dans son bon résultat «la reconnaissance du travail accompli dans un contexte difficile». L’assiette de gyoza est finie depuis longtemps lorsque le directeur de l’Economie rappelle que depuis le début de la pandémie, sa direction a accordé des aides d’urgence pour un montant de 660 millions, dont les médias ont également bénéficié. Sans parler des heures et des jours passés à essayer de faire tourner la machine, afin que l’argent soit distribué rapidement. «Sur le moment, oui, on a l’impression que tout s’effondre et je peux vous dire que vous sentez un certain poids peser sur vos épaules. Ça coupe le souffle mais pas pour longtemps.» Au sein du gouvernement, il confie avoir toujours eu à cœur de placer le curseur au bon endroit, entre exigences sanitaires et réalités économiques. Il se dit aujourd’hui très inquiet des effets secondaires de la crise du Covid. «D’autres défis nous attendent, d’ordre économique mais également sociétal. J’ai demandé une étude à ce sujet à la Haute Ecole de travail social afin de voir où et comment il y a lieu d’agir.» Et puis, une question cruciale va bientôt se poser: à quel moment l’Etat devra-t-il cesser son soutien au secteur privé? Réponse durant la prochaine législature.

C’est sport!

Toujours est-il que ce sportif, qui pratique aussi bien la course à pied, le ski de fond que l’aviron, a appris à «performer» dans une autre discipline: la course entre deux séances. «Mais je fais quand même du sport une fois par semaine. C’est nécessaire pour moi si je veux rester performant, et ces moments m’aident à avoir de nouvelles idées, à structurer ma réflexion, à faire le tri et fixer des priorités», avoue-t-il. Non, le projet des bons Kariyon qui ont soutenu le commerce local durant la pandémie n’est pas né au milieu de la forêt du Galm. C’est une de ses collaboratrices qui mérite cette médaille. Par contre, face à son bol fumant, il admet qu’il a parfois vraiment eu besoin d’un bon bol d’air frais. A voir son résultat du premier tour, Olivier Curty n’a pas trop souffert de la tempête provoquée par les projets d’éoliennes, mais il n’a pas été épargné par la critique à ce sujet. Egalement chargé du Service de l’énergie, le conseiller d’Etat préfère rappeler ses succès, soit l’adoption de la loi sur l’énergie ou encore la poursuite du Programme Bâtiments qui subventionne les assainissements valorisant les énergies renouvelables. «Nous recevons près de 60 téléphones par jour à ce propos, d’autres cantons comme Zurich s’y intéressent», raconte-t-il. L’heure tourne, le conseiller d’Etat ne prend ni dessert ni café. Par contre, il a un regret. Il voulait mener la discussion en allemand. Trop tard. Ce sera pour la prochaine fois, peut-être. » .

«Le retrait de Luana Menoud-Baldi a été très douloureux» Olivier Curty

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