« Tout n’a pas été parfait »

Il y a deux ans, le canton de Fribourg enregistrait ses premiers cas de personnes positives au Covid-19. Après vingt-quatre mois de restrictions diverses et plusieurs vagues, Olivier Curty, président du Gouvernement fribourgeois et conseiller d’Etat en charge de la Direction de l’économie, de l’emploi et de la formation professionnelle, fait le bilan des aides octroyées.

Le 16 février dernier, le Conseil fédéral annonce quasiment la fin de la crise sanitaire. Une semaine plus tard, une autre crise attend la population suisse à son réveil: l’attaque russe contre l’Ukraine. Vous êtes prêts à affronter ses conséquences?

Olivier Curty: Je suis très préoccupé par la situation actuelle. Mais la crise sanitaire nous a appris à composer avec l’incertitude, à élaborer différents scénarios et à prendre des décisions rapidement sans avoir toutes les cartes en main. De ce point de vue, nous sommes rodés.

Avez-vous malgré tout eu le temps de vous réjouir de la levée de la plupart des restrictions sanitaires?

C’était un soulagement d’abord pour toute la population et surtout pour les jeunes et aussi les personnes plus âgées qui peuvent renouer avec une vie sociale digne de ce nom. Mais il faut rester très vigilant car nous ne savons pas encore si cette crise sanitaire est vraiment derrière nous ou si elle ne nous offre qu’un simple répit. Le Conseil d’Etat vient d’ailleurs d’allouer des moyens supplémentaires pour maintenir l’engagement de la task force sanitaire et poursuivre la campagne de vaccination. Et puis nous n’en avons pas fini avec les conséquences de cette pandémie. Les ravages sur le plan humain, social et économique sont bien là et vont encore nous préoccuper. Le travail continue.

L’action gouvernementale a été parfois saluée, parfois critiquée. Vous reconnaissez que tout n’a pas été parfait?

Je pense que nous n’avons pas à rougir de notre action qui a été forte, rapide et constante. Nous avons toujours agi sur la base des critères sanitaires tout en tenant compte des coûts économiques et sociaux des restrictions. Trouver le juste équilibre n’a jamais été facile, tout n’a effectivement pas été parfait, mais je pense par exemple que nous avons eu raison de ne pas fermer les chantiers lors de la première vague.

Dans le dispositif mis en place, qu’est-ce qui aurait pu être amélioré?

Alors qu’en temps normal, l’élaboration d’une ordonnance prend plusieurs mois, nous avons dû nous décider en une semaine sans être certains que la mesure allait être juste, équitable et équilibrée. Mais une bonne collaboration s’est instaurée avec les associations économiques et les acteurs du terrain. De ce point de vue, on s’est beaucoup amélioré après la première vague, ce qui nous a permis par la suite d’avoir des échanges constants et de récolter rapidement des données qui ont augmenté la qualité de notre action.

A ce jour, combien la crise sanitaire a-t-elle coûté au canton de Fribourg?

La facture s’élève pour l’instant à 1,3 milliard. Elle se compose pour moitié de crédits remboursables et l’autre moitié comprend le financement de la Confédération. Les aides cantonales directes s’élèvent à ce jour à 167 millions.

Contrairement à la Confédération, Fribourg a trouvé une solution avec les propriétaires pour régler les baux commerciaux durant les fermetures. Le montant prévu à cet effet a-t-il été entièrement alloué?

Non, mais c’est normal. Dans l’incertitude et étant donné le degré d’urgence, nous avons prévu un montant relativement élevé. A la fin, sur les vingt millions débloqués à cet effet, cinq.ont été alloués. Mais cinq millions, ce n’est pas rien. De plus, les 15 millions restants ont été transférés pour les cas de rigueur.

Le Grand Conseil vous a forcé la main pour permettre aux indépendants de toucher également des indemnités pour perte de gain. Une fausse bonne idée?

C’est vrai, je n’étais pas très enthousiaste car je pressentais que l’effort administratif allait être gigantesque alors qu’à la fin, la mesure a peu servi par rapport aux attentes. 3,5 millions de francs ont été distribués.

Fribourg a été le premier canton suisse à adopter un plan de relance de l’économie, avec à la clé un montant de 63,3 millions pour financer un catalogue de 25 mesures. Où en est-on?

Nous avons alloué près de la moitié de ce montant, soit 38 millions, mais l’intégralité devrait être dépensée d’ici à la fin de l’année. Je suis spécialement satisfait de la poursuite de l’action Kariyon en faveur du commerce local et du succès du programme pour favoriser l’assainissement énergétique des bâtiments. Pour ce dernier, nous avons pu augmenter l’enveloppe de 20 à 51 millions pour l’année 2021, somme qui a été entièrement dépensée. C’est magnifique, car nous progressons du même coup dans la transition énergétique.

Faut-il un nouveau plan de relance, plus ciblé?

Non, mais nous réfléchissons au maintien de l’une au l’autre mesure. Ce plan de relance a aussi servi de laboratoire pour expérimenter de nouvelles approches et certaines s’inscriront dans la durée.

En janvier dernier, le taux de chômage se situait à 2,9% dans le canton de Fribourg, soit pratiquement le même niveau qu’en janvier 2020, avant la pandémie. Les effets de la crise ont été absorbés?

Il faut toujours se méfier des chiffres et je préfère me concentrer sur le nombre de demandeurs d’emploi. Ils étaient 8414 en 2019 contre 8971 au dernier pointage. L’avenir de ces hommes et de ces femmes me préoccupe davantage que les statistiques. La prudence est cependant de mise car il peut toujours y avoir une vague de faillites avec la fin des aides.

Vous craignez une vague de faillites?

Les secteurs impactés par la crise doivent rembourser les prêts Covid. Nous avons plaidé auprès des banques pour qu’elles fassent preuve de flexibilité. Mais il faut avoir conscience que plusieurs entités ont été sous perfusion pendant de longs mois. Cette obligation de remboursement pourrait être fatale à certaines entreprises, notamment dans les loisirs, le sport et la culture, qui sont affaiblis.

Quelles sont les aides qui s’arrêtent et celles auxquelles les entreprises ont encore droit?

Les RHT, soit les indemnisations en cas de réduction de l’horaire de travail, sont toujours d’actualité mais selon le régime antérieur à la crise. Il y aura également une certaine continuité pour les cas de rigueur. C’est-à-dire que nous allons maintenir un dispositif de soutien pour les entreprises qui ont vu leur chiffre d’affaires chuter, notamment en raison de l’application de la règle des 2G ou 2G+. De même, nous allons maintenir le parapluie de protection pour les organisateurs d’événements. Pour cela, le Conseil d’Etat sollicitera du Grand Conseil un nouveau crédit de 12 millions.

Article de La Liberté (01.03.2022)